Cybercriminalité internationale : comment les réseaux criminels dérobent des millions en quelques heures
Aurélien Fontevive
La cybercriminalité moderne : un fléau qui s’organise à l’échelle mondiale
Dans le paysage numérique actuel, la cybercriminalité n’est plus l’œuvre d’individus isolés mais s’est transformée en une industrie criminelle organisée et sophistiquée. Selon le rapport annuel de l’ANSSI, les pertes liées à la cybercriminalité ont dépassé 4 milliards d’euros en France en 2024, une augmentation de 37% par rapport à l’année précédente. La cybercriminalité internationale représente aujourd’hui l’une des plus grandes menaces pour la sécurité économique mondiale, exploitant les failles des systèmes numériques pour siphonner des sommes colossales en un temps record.
Cette réalité a été cruellement illustrée par l’affaire récente dévoilée par la police de Bengaluru, où un réseau criminel a réussi à dérober 47 crores de roupies (environ 5,6 millions de dollars) d’une société de financement privée en seulement deux heures et demie. Cette opération spectaculaire met en lumière l’évolution des techniques d’attaque et l’organisation transnationale des groupes criminels, qui exploitent désormais des infrastructures dispersées à travers le monde pour maximiser leur anonymat et leurs profits.
Le cas emblématique : l’attaque contre Wisdom Finance
Dans la nuit du 6 octobre dernier, des hackers ont infiltré les systèmes de Wisdom Finance Pvt. Ltd., une société financière privée, et exécuté 1 782 transactions non autorisées en l’espace de 150 minutes seulement. Les fonds ont été immédiatement transférés vers 656 comptes bancaires distincts à travers l’Inde, une stratégie destinée à compliquer le suivi et la récupération des fonds.
Selon le dépôt de plainte effectué par un directeur senior de Wisdom Finance, ces transactions n’ont pas émané des systèmes officiels ou des adresses IP enregistrées de l’entreprise. Au contraire, elles ont été tracées vers des adresses IP étrangères, principalement issues de Hong Kong et de Lithuanie. Cette utilisation d’infrastructures situées dans plusieurs pays illustre la dimension internationale coordonnée de l’opération criminelle.
Le commissaire de police de la ville, Seemant Kumar Singh, a souligné l’importance de cette affaire : “C’est le premier cas de ce genre résolu par l’équipe du CCB. Nous avons rassemblé les détails des accusés à Dubaï, et des efforts sont en cours pour les retrouver.” La police a annoncé une récupération partielle de 10 crores de roupies (environ 1,2 million de dollars) des fonds dérobés, une avancée significative mais encore insuffisante face à l’ampleur du préjudice.
Les mécanismes d’attaque : une sophistication inquiétante
L’analyse technique de l’attaque contre Wisdom Finance révèle une approche méthodique et techniquement avancée. Les pirates ont exploité des vulnérabilités dans les systèmes d’API de l’entreprise, leur permettant de contourner les défenses internes et d’initier les transferts massifs de fonds. Cette méthode s’inscrit dans une tendance croissante d’attaques ciblant les interfaces de programmation applicative (API), qui sont souvent moins protégées que les systèmes principaux.
L’enquête a révélé que les attaquants ont utilisé une combinaison de techniques pour maximiser leur efficacité :
- Infiltration des systèmes via des points d’accès vulnérables
- Automatisation des transactions pour exécuter un grand nombre d’opérations en peu de temps
- Diversification des comptes bénéficiaires pour compliquer le suivi
- Utilisation d’adresses IP éloignées pour masquer l’origine réelle des attaques
Cette approche multi-couches représente une évolution majeure par rapport aux méthodes traditionnelles de cybercriminalité, démontrant une sophistication organisationnelle et technique inquiétante.