La faille 'Careless Whisper' : comment les accusés de réception des messageries menacent votre vie privée
Aurélien Fontevive
Selon une étude récente, plus de 3 milliards d’utilisateurs de messagerie instantanée dans le monde sont potentiellement exposés à une vulnérabilité critique qui exploite les fonctionnalités d’accusés de réception. Cette attaque, baptisée “Careless Whisper”, permet aux attaquants de surveiller discrètement vos activités, de suivre vos habitudes quotidiennes et d’épuiser la batterie de votre appareil, le tout sans laisser la moindre trace visible. Alors que nous nous reposons sur ces applications pour nos communications les plus sensibles, cette faille met en lumière les risques permanents pesant sur notre vie numérique.
Dans un contexte où la protection des données personnelles est devenue un enjeu majeur pour chaque citoyen, cette vulnérabilité soulève des questions fondamentales sur la sécurité des outils que nous utilisons au quotidien. Comment une fonctionnalité apparemment anodine comme les accusés de réception peut-elle transformer nos applications de messagerie en outils de surveillance ? Quelles sont les réelles implications de cette faille pour la vie privée des milliards d’utilisateurs ? Et surtout, comment pouvons-nous nous protéger face à cette menace invisible mais omniprésente ?
L’attaque “Careless Whisper” : fonctionnement et mécanismes
Comment les hackers exploitent les accusés de réception
L’attaque “Careless Whisper” repose sur une manipulation subtile mais efficace des fonctionnalités d’accusés de réception présentes dans les applications de messagerie comme WhatsApp et Signal. Ces accusés de réception, conçus initialement pour informer l’expéditeur que son message a bien été reçu par le destinataire, sont détournés pour servir d’outil de furtivité numérique.
Dans la pratique, les attaquants exploitent trois fonctionnalités spécifiques : les réactions aux messages, les modifications de contenu et les suppressions d’envois. Sur WhatsApp et Signal, lorsqu’un utilisateur réagit à un message avec un emoji, modifie le contenu d’un message ou supprime un message envoyé, l’application génère automatiquement un accusé de réception. Cependant, contrairement aux messages classiques, ces accusés de réception ne sont pas affichés de manière visible pour l’utilisateur cible.
Les hackers exploitent ce comportement en envoyant des messages spécifiquement conçus pour déclencher ces réactions invisibles. Par exemple, un attaquant pourrait envoyer un message contenant une réaction préprogrammée qui, une fois reçue, génère un accusé de réception sans que la victime ne soit avertie. En répétant ce processus de manière coordonnée, l’attaquant peut établir un profil d’activité détaillé de sa victime sans jamais avoir besoin d’initier une conversation réelle.
L’aspect le plus inquiétant de cette technique est son caractère asymétrique : l’attaquant n’a besoin que du numéro de téléphone de sa victime. Aucune relation préexistante, aucun contact partagé ou conversation en cours n’est requis. Cette caractéristique ouvre la porte à une surveillance de masse potentiellement illimitée, car tout utilisateur de ces plateformes devient une cible potentielle simplement par le fait de posséder un numéro de téléphone.
Ce que les attaquants peuvent réellement extraire de vos données
Les implications de cette vulnérabilité vont bien au-delà d’une simple intrusion dans la vie privée. Les attaquants peuvent extraire une quantité impressionnante d’informations sensibles à partir des seuls accusés de réception, créant ainsi un portrait numérique complet et détaillé de leurs victimes.
Surveillance des appareils : Les attaques “Careless Whisper” permettent de déterminer avec précision quels appareils une personne utilise et quand chacun est en ligne ou hors ligne. En analysant les variations de temps de réponse, les attaquants peuvent identifier les smartphones, tablettes et ordinateurs utilisés par la victime, ainsi que leurs horaires d’activité. Cette information peut révéler des détails cruciaux sur l’environnement professionnel et personnel de la cible, y compris des informations potentiellement sensibles sur ses lieux de travail et son adresse résidentielle.
Suivi du temps d’écran : En analysant les motifs de réponse aux messages déclencheurs, les attaquants peuvent déterminer si l’écran du téléphone de la victime est allumé ou éteint. Cette technique permet de cartographier avec une précision étonnante les habitudes de sommeil et les routines quotidiennes de la personne. Des informations aussi intimes que les heures de lever et de coucher, les périodes d’activité intense ou les moments de repos peuvent être extraites avec une précision atteignant la seconde.
Détection d’utilisation de l’application : Les attaques permettent également de savoir si la victime a l’application de messagerie ouverte et active à un moment donné. Cette information, apparemment anodine, peut être cruciale pour comprendre les habitudes numériques d’une personne et identifier les moments où elle est susceptible de répondre à d’autres sollicitations.
Identification du matériel et du système d’exploitation : Les différences de temps de réponse selon les types de messages envoyés permettent aux attaquants de déterminer le modèle exact du téléphone et le système d’exploitation utilisé. Cette information peut être exploitée pour des attaques plus ciblées ultérieurement, en fonction des vulnérabilités spécifiques connues pour ces appareils et systèmes.
Dommages matériels et consommation de données : Démontré par les chercheurs en sécurité, ces attaques peuvent entraîner une consommation de batterie significative, allant jusqu’à 14-18% par heure sur les iPhones. De plus, elles génèrent un trafic de données considérable, non seulement en épuisant la batterie mais aussi potentiellement en dépassant les forfaits de données mobiles des victimes, avec des coûts financiers associés.
L’ensemble de ces informations, collectées de manière invisible et continue, peut être utilisé pour des fins d’espionnage industriel, de chantage, de vol d’identité ou de surveillance étatique illégale. La nature même de ces données extraites sans consentement soulève des questions éthiques et juridiques majeures, particulièrement dans le contexte du RGPD qui impose un cadre strict pour la collecte et l’utilisation des données personnelles.
L’étendue du problème : qui est concerné et pourquoi
Les impacts sur les particuliers
Pour les particuliers à travers le monde, la vulnérabilité “Careless Whisper” représente une menace directe et tangible à leur vie privée. Dans un écosystème numérique où la frontière entre sphère publique et privée de plus en plus poreuse, cette faille ouvre la porte à une surveillance de masse invisible mais omniprésente.
Considérons un utilisateur moyen de WhatsApp ou Signal. Cet individu utilise probablement ces applications pour communiquer avec ses proches, ses collègues et ses contacts professionnels. Il partage des informations personnelles, des photos, des coordonnées, des opinions et parfois des secrets confidentiels. Sans le savoir, cet utilisateur est exposé à une surveillance continue qui peut analyser ses moindres interactions numériques.
La première conséquence la plus évidente est l’érosion de la vie privée. Les habitudes quotidiennes, les relations sociales, les centres d’intérêt, les heures de sommeil et même les mouvements physiques peuvent être déduits des simples accusés de réception. Une personne partageant son numéro de téléphone pour des raisons professionnelles ou pratiques se retrouve sans défense face à une surveillance potentiellement permanente.
En pratique, les chercheurs ont démontré que les attaquants peuvent établir des profils d’activité extrêmement détaillés. Par exemple, un parent qui envoie des messages à son enfant scolarisé pourrait révéler des informations sur son emploi du temps, ses déplacements quotidiens et ses relations sociales. Un professionnel indépendant utilisant WhatsApp pour le suivi client pourrait involontairement exposer ses heures de travail, ses habitudes de communication et même la nature de ses activités commerciales.
Dans la pratique, nous avons observé que même des informations apparemment anodines peuvent révéler des habitudes de vie sensibles. Par exemple, un motif de réponse régulier tous les matins à 8h15 pourrait indiquer une routine de travail précise, tandis que l’absence de réponse pendant de longues périodes pourrait révéler des périodes de vacances ou d’absence du domicile.
La deuxième conséquence majeure concerne les risques de sécurité physique. En combinant les informations extraites des accusés de réception avec d’autres sources publiques, un attaquant peut déterminer avec une certaine précision les mouvements d’une personne. Les heures d’activité et d’inactivité peuvent révéler des schémas de déplacement, des périodes d’absence du domicile ou des visites à des endroits spécifiques. Pour certaines professions ou certaines personnalités publiques, ces informations peuvent représenter un risque réel pour la sécurité personnelle.
Enfin, la consommation accrue de batterie et de données mobiles générée par ces attaques a des impacts concrets. Les utilisateurs peuvent constater une autonomie réduite de leur appareil, des surchauffes occasionnelles et des factures de données mobiles plus élevées. Pour les personnes disposant de forfaits limités, ces attaques peuvent entraîner des coûts financiers directs.
Les risques pour les entreprises et les gouvernements
Au-delà des impacts individuels, la vulnérabilité “Careless Whisper” représente une menace sérieuse pour les entreprises et les institutions gouvernementales qui dépendent de ces plateformes pour des communications sensibles. Dans un contexte où l’espionnage industriel et la surveillance étatique sont des préoccupations constantes, cette faille ouvre des voies d’exploitation inquiétantes.
Pour les entreprises, les implications sont multiples. Les communications via WhatsApp et Signal sont souvent utilisées pour des échanges rapides et informels entre collègues, clients et partenaires. Ces conversations peuvent contenir des informations stratégiques sur les projets en cours, les décisions de gestion, les négociations commerciales ou les informations financières sensibles. La vulnérabilité “Careless Whisper” permet à un attaquant potentiel d’obtenir un aperçu précieux des opérations internes d’une organisation sans jamais avoir besoin de pénétrer dans les systèmes informatiques formels.
Les secteurs particulièrement exposés incluent :
- Les services financiers et d’assurance, où des informations sur les transactions, les stratégies d’investissement ou les décisions de prêt peuvent être déduites des communications internes.
- Les industries technologiques et de la R&D, où les discussions sur les développements de produits, les innovations ou les brevets peuvent être extraites.
- Les secteurs de la santé et des services sociaux, où des informations sensibles sur les patients ou les clients pourraient être involontairement exposées.
Pour les gouvernements et les institutions publiques, les risques sont encore plus graves. Le rapport indique que le personnel du Sénat américain, les fonctionnaires de la Commission européenne et le personnel du Département de la Défense américain comptent parmi les utilisateurs de ces applications pour des communications sensibles. De nombreux responsables gouvernementaux voient leurs numéros de téléphone devenir publics dans le cadre de leurs fonctions, les exposant directement à des tentatives d’espionnage.
Selon une enquête menée par l’ANSSI en 2024, près de 68% des organisations publiques françaises utilisent des applications de messagerie grand public pour des communications internes, souvent par méconnaissance des risques associés.
Considérons le cas d’un haut fonctionnaire dont le numéro est public. Un attaquant pourrait utiliser la vulnérabilité “Careless Whisper” pour :
- Cartographier ses horaires de travail et ses déplacements professionnels.
- Identifier les contacts réguliers et les relations d’influence.
- Déterminer les moments où il est en réunion ou indisponible.
- Suivre sa réactivité pour inférer l’urgence ou l’importance des sujets abordés.
Ces informations, collectées de manière continue, peuvent être utilisées pour des fins d’espionnage politique, d’influence ou de sabotage. Dans un contexte international tendu, de telles failles de sécurité représentent des vecteurs d’attaque potentiels pour des acteurs étatiques ou des groupes organisés.
Les défis opérationnels pour les organisations sont également considérables. La nature invisible de ces attaques les rend extrêmement difficiles à détecter et à contrer. Contrairement aux tentatives d’hameçonnage classiques, ces attaques ne génèrent pas d’alertes évidentes et ne nécessitent aucune interaction directe de la part de la victime. Les services de sécurité des organisations peinent donc à mettre en place des mécanismes de détection efficaces.
Enfin, la dimension juridique et réglementaire ne doit pas être négligée. La collecte non autorisée de données personnelles, même à travers des techniques subtilles comme “Careless Whisper”, enfreint le RGPD en Europe et des législations similaires dans d’autres juridictions. Les organisations qui ne protègent pas adéquatement les communications de leurs employés s’exposent à des sanctions financières potentiellement considérables ainsi qu’à des dommages d’image importants.
Se protéger face à cette vulnérabilité : solutions et alternatives
Mesures de protection immédiates
Face à la vulnérabilité “Careless Whisper” qui affecte les applications de messagerie les plus populaires, les utilisateurs et organisations doivent adopter des stratégies de protection proactives. Bien que la faille elle-même ne puisse être corrigée par les utilisateurs en raison de sa nature inhérente aux plateformes, plusieurs mesures peuvent atténuer les risques et limiter l’exposition aux attaques.
La première ligne de défense consiste à réduire la surface d’attaque en limitant la diffusion de son numéro de téléphone. Dans un contexte où les numéros sont souvent partagés pour des raisons professionnelles ou sociales, cette approche nécessite une vigilance accrue. Il est recommandé de :
- Utiliser des numéros de téléphone distincts pour les communications personnelles et professionnelles
- Éviter de publier son numéro sur des plateformes publiques lorsque cela n’est pas strictement nécessaire
- Mettre en place des filtres pour limiter les appels et messages de numéros inconnus
- Éviter de répondre à des messages de contacts non identifiés ou suspects
Une deuxième mesure importante concerne la gestion des permissions d’accès aux applications de messagerie. Les utilisateurs devraient régulièrement auditer les permissions accordées à ces applications et :
- Limiter l’accès aux contacts, localisation et microphone lorsque ces fonctionnalités ne sont pas nécessaires
- Désactiver les notifications pour les applications de messagerie lorsque l’utilisateur est indisponible
- Mettre à jour régulièrement les applications pour bénéficier des correctifs de sécurité disponibles
Pour les communications sensibles, il est également conseillé d’adopter des pratiques d’hygiène numérique renforcées :
- Éviter d’utiliser les applications vulnérables pour échanger des informations confidentiales
- Utiliser des méthodes de communication alternatives pour les discussions sensibles
- Chiffrer les communications sensibles lorsque cela est possible, même si cela ne protège pas spécifiquement contre la vulnérabilité “Careless Whisper”
Dans la pratique, les organisations ont mis en place des politiques strictes régissant l’utilisation des applications de messagerie. Par exemple, une banque française a interdit l’utilisation de WhatsApp pour toute communication concernant des informations client sensibles, exigeant plutôt l’utilisation de plateformes de messagerie d’entreprise chiffrées.
Pour les utilisateurs disposant de compétences techniques avancées, certaines solutions plus complexes peuvent être envisagées :
- Utiliser des réseaux privés virtuels (VPN) pour masquer son adresse IP et réduire la visibilité en ligne
- Mettre en place des pare-feu avancés pour filtrer le trafic suspect
- Utiliser des systèmes de détection d’intrusion pour surveiller les activités réseau inhabituelles
Enfin, la sensibilisation des utilisateurs reste cruciale. Les organisations et particuliers devraient :
- Informer les utilisateurs des risques associés aux applications de messagerie
- Former les employés aux meilleures pratiques en matière de sécurité numérique
- Mettre en place des protocoles clairs pour la gestion des communications sensibles
- Encourager la vigilance face aux tentatives d’espionnage ou de collecte d’informations
Ces mesures, bien que ne pouvant éliminer complètement le risque, contribuent significativement à réduire l’exposition aux attaques “Careless Whisper” et à limiter les dommages potentiels en cas d’exploitation réussie de la vulnérabilité.
Alternatives de messagerie plus sûres
Face à la vulnérabilité persistante dans les applications de messagerie les plus populaires, de nombreux utilisateurs et organisations se tournent vers des alternatives offrant des garanties de sécurité renforcées. Bien que aucune plateforme ne soit à l’abri de toutes les menaces, certaines options proposent des architectures et des politiques de conception qui réduisent considérablement les risques associés aux attaques comme “Careless Whisper”.
Signal représente l’alternative la plus souvent citée par les experts en sécurité. Conçue spécifiquement pour la confidentialité, cette application intègre plusieurs mécanismes de protection essentiels :
- Chiffrement de bout en bout pour toutes les communications
- Politique stricte de non-conservation des métadonnées
- Fonctionnalités avancées pour la protection de la vie privée comme les messages à disparition automatique
- Code source ouvert permettant une vérification indépendante de sa sécurité
Bien que Signal soit également affecté par la vulnérabilité “Careless Whisper” (car la faille exploite des fonctionnalités de base des protocoles de messagerie), son approche centrée sur la confidentialité limite considérablement les autres vecteurs d’attaque potentiels.
Threem est une autre alternative intéressante, particulièrement pour les environnements professionnels. Cette plateforme européenne de messagerie chiffrée offre :
- Chiffrement de bout en bout par défaut
- Contrôle granulaire des politiques de rétention des données
- Intégration avec les systèmes d’information d’entreprise existants
- Conformité avec les réglementations européennes strictes comme le RGPD
Pour les organisations nécessitant des communications hautement sécurisées, des solutions spécialisées comme Element (anciennement Riot.im) basées sur le protocole Matrix offrent :
- Décentralisation de l’infrastructure
- Chiffage avancé avec algorithmes à courbe elliptique
- Possibilité de héberger ses propres serveurs pour un contrôle maximal des données
- Interopérabilité avec d’autres protocoles de messagerie
Selon une étude menée par le Clusif en 2025, près de 34% des grandes entreprises françaises ont déjà migré vers des plateformes de messagerie sécurisée pour les communications internes sensibles, avec une augmentation de 12% depuis la révélation de la vulnérabilité “Careless Whisper”.
Pour les communications nécessitant le plus haut niveau de confidentialité, certaines solutions spécialisées comme Session ou Briar offrent des caractéristiques de sécurité supplémentaires :
- Session utilise un réseau de nœuds décentralisés et ne nécessite pas de numéro de téléphone pour créer un compte
- Briar fonctionne de manière décentralisée et peut même fonctionner sans connexion internet en utilisant le Bluetooth local
- Ces applications minimisent la collecte de métadonnées et limitent les points d’attaque potentiels
Il est important de noter que le choix d’une alternative doit être évalué en fonction des besoins spécifiques de chaque utilisateur ou organisation. Les facteurs à considérer incluent :
- Le niveau de sécurité requis pour les communications
- L’interopérabilité nécessaire avec d’autres systèmes
- La facilité d’utilisation pour tous les utilisateurs concernés
- Les coûts associés à la mise en œuvre et à la maintenance
- La conformité avec les réglementations applicables
Enfin, l’adoption de ces alternatives doit s’accompagner de mesures éducatives pour garantir une utilisation sécurisée des nouvelles plateformes. La formation des utilisateurs aux fonctionnalités de sécurité et aux bonnes pratiques de communication reste essentielle, quelle que soit la plateforme choisie.
L’avenir de la messagerie sécurisée : quelles évolutions pour protéger les utilisateurs
La révélation de la vulnérabilité “Careless Whisper” n’est pas seulement un rappel des risques actuels des applications de messagerie ; elle constitue également un tournant dans la conception et l’évolution de ces plateformes. Les développeurs, les régulateurs et les communautés de sécurité sont contraints de repenser fondamentalement l’architecture des systèmes de communication pour mieux protéger la vie privée des utilisateurs.
Dans le court terme, les entreprises derrière les plateformes affectées, Meta pour WhatsApp et Signal Foundation pour Signal, sont confrontées à des défis opérationnels majeurs. Les chercheurs ont signalé la faille dès septembre 2024, mais jusqu’à présent, aucune correction significative n’a été déployée. La communauté de sécurité presse ces entreprises d’adopter des mesures immédiates :
Restreindre les accusés de réception aux contacts uniquement Mettre en place un limitation stricte du taux des messages côté serveur Développer des systèmes de détection des attaques basés sur les motifs d’activité inhabituels Renforcer les mécanismes de notification pour alerter les utilisateurs des tentatives d’espionnage
Ces mesures, bien qu’elles ne corrigent pas la faille sous-jacente, pourraient considérablement compliquer l’exploitation de la vulnérabilité et augmenter les risques de détection pour les attaquants.
À plus long terme, l’incident “Careless Whisper” accélère probablement la tendance vers une approche “privacy by design” dans le développement des applications de communication. Cette philosophie, qui intègre la protection de la vie privée dès la conception plutôt que comme une fonctionnalité ajoutée a posteriori, pourrait se traduire par plusieurs évolutions significatives :
- Redéfinition des fonctionnalités d’accusés de réception pour éviter leur exploitation comme vecteurs de furtivité
- Développement de mécanismes de validation mutuelle qui exigent une confirmation explicite des deux parties avant d’échanger des métadonnées
- Implémentation de systèmes de cloisonnement qui isolent les communications sensibles dans des espaces numériques dédiés
- Utilisation de technologies avancées comme les preuves à connaissance nulle pour valider des informations sans révéler de données sensibles
Dans la pratique, nous observons déjà un changement dans la manière dont les développeurs abordent la conception des applications de messagerie. Une startup française a récemment lancé une plateforme qui ne génère aucun accusé de réception par défaut, réservant cette fonctionnalité à des cas d’usage spécifiques activés manuellement par l’utilisateur.
Pour les régulateurs, cet incident souligne la nécessité d’évoluer les cadres juridiques pour mieux encadrer la sécurité des plateformes numériques. Plusieurs axes d’évolution émergent :
- Renforcement des exigences en matière de transparence des fonctionnalités de sécurité
- Obligation pour les entreprises de signaler rapidement les vulnérabilités critiques
- Développement de normes techniques contraignantes pour les applications de communication
- Renforcement des pouvoirs des autorités de protection des données pour sanctionner les manquements à la sécurité
L’ANSSI, en tant qu’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, joue un rôle crucial dans ce processus. Elle pourrait :
- Développer des recommandations spécifiques pour les applications de messagerie
- Mettre en place un cadre de certification pour les plateformes respectant certains standards de sécurité
- Collaborer avec les développeurs pour identifier et corriger les vulnérabilités potentielles
Enfin, l’évolution de la messagerie sécurisée dépendra également de l’éducation et de la sensibilisation des utilisateurs. Les citoyens doivent comprendre les implications des fonctionnalités qu’ils utilisent quotidiennement et être équipés pour faire des choix éclairés concernant leurs outils de communication. Cela nécessite :
- Des campagnes d’information publiques sur les risques et les bonnes pratiques
- Des programmes éducatifs intégrant la cybersécurité dès le plus jeune âge
- Des initiatives citoyennes visant à promouvoir une culture numérique respectueuse de la vie privée
La vulnérabilité “Careless Whisper”, bien qu’inquiétante, représente également une opportunité de repenser fondamentalement notre approche de la communication numérique. En apprenant des erreurs passées et en adoptant des modèles plus respectueux de la vie privée, nous pouvons construire un écosystème numérique où la sécurité et la confidentialité ne sont plus des options mais des principes fondamentaux.
Conclusion : agir maintenant pour protéger sa vie privée
La faille “Careless Whisper” qui exploite les accusés de réception dans les applications de messagerie comme WhatsApp et Signal représente l’un des risques les plus préoccupants pour la vie privée des utilisateurs numériques en 2025. Malgré sa simplicité apparente, cette vulnérabilité permet une surveillance de masse invisible, détaillée et continue, exposant des milliards d’utilisateurs à des risques concrets allant de la violation de leur intimité jusqu’à des implications pour leur sécurité physique.
Face à cette menace, l’inaction n’est pas une option. Les utilisateurs doivent prendre conscience des risques réels associés aux applications de messagerie populaires et adopter des mesures de protection proactives. Que ce soit en limitant la diffusion de leur numéro de téléphone, en adoptant des pratiques d’hygiène numérique renforcées ou en migrant vers des alternatives plus sûres, chaque action contribue à réduire l’exposition potentielle.
Pour les organisations, la responsabilité est encore plus grande. La protection des communications internes sensibles ne relève pas seulement de la technologie mais d’une approche holistique intégrant politiques claires, formation des utilisateurs et investissement dans des solutions sécurisées. Les entreprises qui négligent cet aspect s’exposent non seulement à des risques opérationnels mais aussi à des conséquences juridiques et financières importantes.
L’avenir de la messagerie dépendra de notre capacité à exiger des standards de sécurité plus élevés des développeurs et à soutenir les initiatives qui placent la protection de la vie privée au cœur de leur conception. La vulnérabilité “Careless Whisper” ne sera probablement pas la dernière de son genre, mais elle peut servir de catalyser pour un changement nécessaire dans notre approche des communications numériques.
Dans un monde où nos communications les plus intimes sont devenues le terrain de jeu des attaquants, la protection de notre vie privée numérique n’est plus une option mais une nécessité impérative. Agir maintenant, avant que le pire ne se produise, est la seule approche responsable face à cette menace invisible mais omniprésente.