Opération Endgame : démantèlement global des malwares Rhadamanthys, Venom RAT et Elysium Botnet
Aurélien Fontevive
Opération Endgame : démantèlement historique des infrastructures malveillantes internationales
Dans un contexte où la cybersécurité devient un enjeu majeur pour les États et les entreprises, les autorités européennes viennent de réaliser une percée majeure dans la lutte contre la cybercriminalité. L’Opération Endgame, menée conjointement par Europol et Eurojust entre le 10 et le 13 novembre 2025, a permis de démanteler trois grandes familles de malwares : Rhadamanthys Stealer, Venom RAT et le botnet Elysium. Cette opération coordonnée représente l’une des plus importantes actions judiciaires contre les infrastructures cybercriminelles à ce jour, avec des répercussions mondiales sur la sécurité des systèmes d’information. Plus de 1 025 serveurs ont été fermés, 20 domaines saisis, et le principal suspect derrière Venom RAT a été arrêté en Grèce le 3 novembre. Cette action démontre l’engagement croissant des forces de l’ordre internationales à traquer les cybercriminels où qu’ils se trouvent.
Comprendre l’Opération Endgame et son importance stratégique
Les acteurs clés de cette coopération internationale
L’Opération Endgame illustre une coopération sans précédent entre les agences de sécurité européennes et leurs homologues internationaux. Dirigée par le Centre Européen de Lutte contre la Cybercriminalité (EC3) d’Europol et Eurojust, cette mobilisation implique des organismes de sécurité de premier plan dont l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) en France. Les forces de l’ordre d’Australie, du Canada, du Danemark, d’Allemagne, de Grèce, de Lituanie, des Pays-Bas et des États-Unis ont également participé à cette action coordonnée. Cette collaboration transfrontalière est essentielle pour contrer les infrastructures malveillantes qui exploitent les juridictions nationales pour échapper à la justice.
“L’Opération Endgame représente une étape cruciale dans notre lutte contre les cybercriminels qui opèrent à l’échelle mondiale,” a déclaré un responsable d’Europol lors d’une conférence de presse. “En unissant nos efforts, nous démontrons que la cybercriminalité n’a pas de frontières et que notre réponse non plus.”
L’ampleur de la menace représentée par ces malwares
Ces trois familles de malwares ont causé des dommages considérables à des centaines de milliers de victimes à travers le monde. Selon les estimations des autorités, l’infrastructure démantelée contrôlait plus de 100 000 ordinateurs infectés, contenant plusieurs millions d’identifiants volés. Ces données compromises incluaient des identifiants de comptes bancaires, des informations d’accès aux réseaux sociaux, des données professionnelles sensibles et des portefeuilles de crypto-monnaies. Nombre de victimes ignoraient même que leurs systèmes étaient infectés, ces malwares étant conçus pour opérer en silence pendant des mois, voire des années.
En pratique, ces outils malveillants servaient de base à une multitude d’activités criminelles, allant du vol d’identité et de l’extorsion de fonds au rançongiciel et à l’espionnage industriel. Leur démantèlement constitue donc un coup dur pour les organisations criminelles qui en dépendaient pour leurs opérations.
Le malware Rhadamanthys Stealer : fonctionnement et évolution
Caractéristiques techniques de ce vol de données sophistiqué
Rhadamanthys Stealer est un malware particulièrement sophistiqué, spécialisé dans le vol d’informations sensibles à partir des systèmes infectés. Une analyse récente publiée par Check Point a révélé que la dernière version de ce malware a évolué pour intégrer des capacités de collecte d’empreintes d’appareils et de navigateurs web, ce qui lui permet de contourner plus facilement les systèmes de détection. Le malware s’installe généralement via des téléchargements trompeurs ou des pièces jointes malveillantes dans des e-mails de phishing.
Une fois implanté, Rhadamanthys effectue plusieurs actions :
- Collecte les identifiants enregistrés dans les navigateurs web
- Vole les cookies de session pour usurper les identités
- Extrait les portefeuilles de crypto-monnaies
- Capture les informations d’accès aux applications cloud
- Envoie ces données à des serveurs commandés et contrôlés (C2) par les cybercriminels
Selon les spécialistes de la sécurité, l’architecture modulaire de ce malware lui permet d’évoluer rapidement face aux défenses mises en place par les entreprises et les particuliers. Cette adaptabilité explique sa prolifération sur plusieurs continents et sa persistance dans l’écosystème cybercriminel.
L’impact économique et stratégique sur les victimes
Les conséquences d’une infection par Rhadamanthys sont multiples et graves. Outre le vol direct de données, les victimes font face à des risques d’usurpation d’identité, de fraudes financières et de perte de réputation. Selon les enquêteurs, le principal suspect derrière ce malware avait accès à plus de 100 000 portefeuilles de crypto-monnaies, représentant un potentiel de plusieurs millions d’euros de vol.
Dans le contexte français, l’ANSSI a identifié des centaines d’entreprises et d’administrations publiques parmi les victimes de ce malware. Les données volées comprenaient non seulement des informations financières mais aussi des documents sensibles relatifs à des projets de recherche et développement, des informations sur la chaîne d’approvisionnement et des données personnelles de clients et employés.
Venom RAT : un outil de contrôle à distance redoutable
Les fonctionnalités de ce puissant Remote Access Trojan
Venom RAT (Remote Access Trojan) est un autre malware démantelé lors de l’Opération Endgame. Contrairement aux simples stealer, cet outil permet aux attaquants de prendre le contrôle total des systèmes infectés, ouvrant la porte à une multitude d’activités malveillantes. Venom RAT offre aux cybercriminels des capacités d’administration à distance, leur permettant d’exécuter des commandes, de voler des fichiers, d’activer des périphériques de capture (webcam et micro) et de déployer d’autres malwares.
Les fonctionnalités techniques de Venom RAT incluent :
- Interface web de commande pour une gestion centralisée des systèmes infectés
- Capacité de persistance au démarrage du système
- Fonctionnalités d’anti-analyse pour échapper aux solutions de sécurité
- Chiffrement des communications avec les serveurs C2
- Capacité à voler des informations système et des identifiants réseau
Ce malware était particulièrement apprécié des groupes cybercriminels pour sa flexibilité et sa discrétion. Vendu sur les marchés du dark web à prix élevé, il représentait une source de revenus significative pour ses développeurs et une menace majeure pour les organisations du monde entier.
L’arrestation du principal suspect et ses conséquences
L’un des aspects les plus marquants de l’Opération Endgame est l’arrestation du principal suspect derrière Venom RAT, effectuée en Grèce le 3 novembre 2025. Cette arrestation constitue une avancée majeure dans la lutte contre les développeurs de malwares, souvent difficiles à identifier et à localiser. Les autorités n’ont pas encore révélé l’identité exacte du suspect, mais elles ont confirmé qu’il faisait l’objet d’une enquête internationale depuis plusieurs années.
“L’arrestation de ce suspect est un message clair envoyé à tous les cybercriminels : personne n’est à l’abri de la justice,” a déclaré un porte-parole d’Europol. “Nous avons utilisé des techniques d’investigation avancées pour traquer cet individu, démontrant notre détermination à éliminer les menaces les plus sophistiquées.”
Cette arrestation devrait avoir un impact considérable sur le marché des malwares, car Venom RAT était l’un des outils les plus prisés des groupes criminels. Sans son principal développeur, le futur de ce malware est incertain, bien que les autorités restent prudentes face à la possibilité qu’une autre équipe prenne le relais.
Le botnet Elysium : une infrastructure de cybercriminalité mondiale
Le fonctionnement de cette infrastructure de compromission
Le botnet Elysium constitue la troisième composante majeure démantelée lors de l’Opération Endgame. Contrairement aux deux précédents malwares qui se concentraient sur le vol de données, Elysium était avant tout une infrastructure de compromission à grande échelle, permettant aux attaquants de mobiliser des milliers d’appareils infectés pour des opérations coordonnées. Les botnets comme Elysium sont particulièrement redoutables car ils peuvent être utilisés pour des attaques à grande échelle : déni de service distribué (DDoS), envoi massif de spams, hameçonnage coordonné ou déploiement de rançongiciels.
L’architecture d’Elysium était basée sur un réseau de serveurs C2 réparti dans plusieurs juridictions, ce qui rendait sa localisation et son démantèlement complexes. Chaque appareil infecté devenait une “machine zombie” pouvant être commandée à distance par les opérateurs du botnet. Selon les experts, ce botnet comptait entre 50 000 et 100 000 appareils compromis au moment de son démantèlement.
Les implications pour la sécurité des entreprises et des gouvernements
La présence d’un botnet comme Elysium dans l’infrastructure numérique représente une menace systémique pour les organisations de toutes tailles. Les entreprises infectées risquent non seulement de voir leurs données volées, mais aussi d’être utilisées comme relais pour des attaques contre d’autres cibles, ce qui peut avoir des répercussions juridiques et financières graves.
Dans le contexte français, l’ANSSI a identifié plusieurs cas où des entreprises du CAC 40 et des administrations publiques étaient compromises par Elysium. Ces infections permettaient aux attaquants de :
- Surveiller le trafic réseau pour voler des informations commerciales confidentielles
- Utiliser les ressources informatiques des entreprises pour des campagnes de minage de cryptomonnaies
- Préparer des attaques plus sophistiquées contre des infrastructures critiques
- Obtenir des points d’appui dans des réseaux sensibles pour des futures opérations
Le démantèlement d’Elysium constitue donc une victoire importante pour la sécurité économique et nationale de nombreux pays, dont la France. La protection des infrastructures critiques contre les botnets reste un défi majeur pour les agences de sécurité du monde entier.
Bilan de l’opération : chiffres et impacts concrets
Les chiffres clés de cette action historique
L’Opération Endgame a permis de réaliser des résultats significatifs dans la lutte contre la cybercriminalité organisée. Voici les chiffres marquants de cette opération :
- 1 025 serveurs fermés dans plusieurs pays
- 20 domaines saisis utilisés pour les communications C2
- 1 suspect arrêté en Grèce lié à Venom RAT
- Plus de 100 000 ordinateurs libérés du contrôle des malwares
- Plusieurs millions de credentials volés récupérés
- 100 000 portefeuilles de cryptomonnaies sécurisés
Ces chiffres démontrent l’ampleur de la menace que représentaient ces infrastructures malveillantes et l’importance de leur démantèlement pour la sécurité numérique mondiale. Selon les estimations d’Europol, cette opération a réduit considérablement la capacité des groupes cybercriminels à mener des opérations à grande échelle pour les prochains mois.
Les conséquences pour les cybercriminels et leurs réseaux
Au-delà des chiffres, l’Opération Endgame a eu des conséquences structurelles importantes pour l’écosystème cybercriminel. La perte d’infrastructures comme celles démantelées représente un coup économique dur pour les organisations criminelles, qui doivent maintenant reconstruire leurs outils de compromission à partir de zéro. Ce processus est coûteux, long et expose ces groupes à un risque accru d’identification par les forces de l’ordre.
En outre, l’arrestation du principal suspect derrière Venom RAT a créé une instabilité dans le marché des malwares. De nombreux groupes criminels dépendaient de cet outil pour leurs opérations, et sa soudaine indisponibilité les force à chercher des alternatives, souvent moins performantes ou plus détectables par les solutions de sécurité.
Pour les chercheurs en sécurité, l’Opération Endgame a également fourni une quantité massive de données sur ces malwares, ce qui permettra de développer de meilleures défenses pour les années à venir. L’analyse du code et des infrastructures démantelées devrait révéler de nouvelles techniques d’attaque qui pourront être contrecarrées par les éditeurs de solutions de sécurité.
Leçons apprises et recommandations pour les entreprises
Renforcer sa posture de sécurité face aux menaces persistantes
L’Opération Endgame, bien que victoire importante, ne doit pas faire baisser la garde des organisations. Les cybercriminels continueront d’innover pour contourner les défenses, et de nouvelles menaces émergeront inévitablement. Les entreprises doivent donc tirer des leçons de cette opération pour renforcer leur posture de sécurité :
Mettre en place une stratégie de défense en profondeur : Combiner plusieurs couches de sécurité (pare-feu, détection d’intrusion, analyse comportementale) pour réduire les risques de compromission.
Former les employés aux menaces de phishing : La plupart des infections par des malwares comme Rhadamanthys commencent par un e-mail de phishing bien conçu. Une formation régulière du personnel est essentielle.
Maintenir les systèmes à jour : Les failles de sécurité non patchées représentent une porte d’entrée privilégiée pour les attaquants.
Surveiller attentivement le trafic sortant : Les malwares communiquent avec leurs serveurs C2, et une détection anormale de trafic sortant peut révéler une infection.
Implémenter une politique de moindre privilège : Limiter les droits d’accès aux utilisateurs réduit l’impact potentiel d’une infection.
Les bonnes pratiques à adopter pour se prémunir contre les stealer
Les malwares de type stealer comme Rhadamanthys représentent une menace particulièrement insidieuse car ils opèrent souvent en silence pendant des mois. Pour se prémunir contre ce type d’attaque, les organisations devraient adopter les bonnes pratiques suivantes :
Gestion sécurisée des identifiants :
- Utiliser un gestionnaire de mots de passe robuste
- Activer l’authentification multifacteur (MFA) sur tous les comptes sensibles
- Éviter de réutiliser les mêmes mots de passe sur plusieurs plateformes
Sécurisation des navigateurs web :
- Supprimer régulièrement les cookies et les données de navigation
- Utiliser des extensions de sécurité pour détecter les sites malveillants
- Désactiver l’enregistrement automatique des mots de passe sur les postes de travail sensibles
Protection des cryptomonnaies :
- Stocker les fonds dans des portefeuilles matériels (cold wallets)
- Ne jamais laisser des portefeuilles logiciels (hot wallets) avec des fonds importants sur des postes connectés à Internet
- Surveiller attentivement les transactions suspectes
“La sécurité n’est jamais un état final, mais un processus continu,” explique un expert de l’ANSSI. “L’Opération Endgame montre même les meilleures défenses peuvent être contournées si les failles humaines et organisationnelles ne sont pas adressées.”
Conclusion : vers une cybersécurité renforcée après l’Opération Endgame
L’Opération Endgame représente une avancée majeure dans la lutte contre la cybercriminalité organisée, avec le démantèlement réussi de trois infrastructures malveillantes majeures : Rhadamanthys Stealer, Venom RAT et le botnet Elysium. Cette action coordonnée par Europol et Eurojust démontre que la coopération internationale est essentielle pour contrer les menaces qui ne connaissent pas de frontières. Les chiffres impressionants de l’opération – plus de 1 000 serveurs fermés, des dizaines de milliers d’ordinateurs libérés d’infections – témoignent de l’ampleur de la menace que représentaient ces malwares et de l’importance de leur élimination pour la sécurité numérique mondiale.
Cependant, cette victoire ne doit pas faire oublier que la cybersécurité est un combat permanent. Les cybercriminels continueront d’innover et de développer de nouvelles techniques d’attaque, et les organisations doivent rester vigilantes. Les entreprises et les particuliers devraient donc tirer des leçons de cette opération pour renforcer leurs défenses, former leurs équipes et adopter les meilleures pratiques en matière de gestion des identifiants et de protection des données sensibles.
L’Opération Endgame constitue un tournant dans la lutte contre la cybercriminalité, mais ce n’est que le début. Face à des menaces de plus en plus sophistiquées, la collaboration entre les agences de sécurité, les entreprises et les citoyens reste la meilleure défense pour préserver un numérique sûr et résilient.